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ANTONINA VELIKANOVA et IVAN VIRIPAEV
Genèse N°2
Tragédie du sens
traduction Tania Moguilevskaia, Gilles Morel
Ivan Vyrypaev - Ivan Viripaiev - Iwan Wyrypajew
Extrait du texte
SCENE II. (Le texte est une citation de la bible, les remarques sont de A.Velikanova)
PROLOGUE
Des nuages noirs ont couvert le ciel. Nuit noire. Tonnerre et foudre. Averse infernale.
UNE VOIX MYSTERIEUSE :
Lorsque pointa l'aurore, les Anges insistèrent auprès de Loth, en disant : Debout! Prends ta femme et tes deux filles qui se trouvent là, de peur d'être emporté par le châtiment de la ville.
Et comme il hésitait, les hommes le prirent par la main, ainsi que sa femme et ses deux filles, pour la pitié que Yahvé avait de lui. Ils le firent sortir et le laissèrent en dehors de la ville.
Comme ils le menaient dehors, l'un d'eux dit : Sauve-toi, sur ta vie ! Ne regarde pas derrière toi et ne t'arrête pas dans la Plaine, sauve-toi vers la montagne pour ne pas être emporté !
Yahvé fit pleuvoir sur Sodome et sur Gomorrhe du soufre et du feu venant de Yahvé, et il renversa ces villes et toute la Plaine, avec tous les habitants des villes et la végétation du sol.
Or la femme de Loth regarda en arrière, et elle devint une colonne de sel.
Et voilà que le vent a dispersé les nuages et qu'une énorme lune argentée est apparue dans le ciel nocturne.
SCENE III. (texte de Antonina Velikanova)
Sur le plateau: la femme de Loth.
LA FEMME DE LOTH
Je dis. Ne cherchez pas un lundi rouge dans la journée d'hier. Autrement dit, ne faites pas comme les constellations et les planètes, n'errez pas dans le jaune gratuit. La vérité est que la couleur jaune cache un insurmontable danger, alors que le lundi rouge n'apporte ni peur, ni intention malveillante. Le lundi rouge est ouvert à la communication, mais le lundi rouge est passé, restÇé dans la journée d'hier. Tout comme le poisson, le poisson assoupi de la soupe que tu as mangé, est resté dans l'océan d'hier. Je répète encore et encore, et je suis prête à répéter : le passé a déjà touché sa limite, et le futur ne l'a pas encore dépassée. Que dire de cela, la colle, pas autre chose! La colle, pas autre chose, s'il ne reste rien d'autre, rien d'autre sinon de rester figé les bras ballants et de regarder sans but le lointain loin, s'il n'y a rien en plus de cela.
Voici l'exemple du stérile poisson gris, attrapé au début de la semaine passée, et déjàà pourri de la queue à la tàte avant même la fin de la semaine prochaine. Ici, dans tout cela, comme partout, comme dans le moindre détail de l'univers, se cache déjà la croix. Dans tout, littéralement dans tout se cache la croix, où qu'on jette l'oeil, partout l'ombre de cette étrange croix nous suivra. Que nous soyons sous l'eau, que nous planions haut dans les airs, ou que notre corps, jalousé par les vivants, pourrisse déjà dans la terre humide, partout et tout autour, la croix solitaire, de la taille du sang, nous poursuit.
Car le sang est cette grande grandeur qui est aujourd'hui la mieux adaptée pour mesurer la longueur, la largeur et la hauteur. A ce propos, la hauteur est la barre du haut de cette terrible étoile. L'étoile terrible qu'on nommait dans l'ancien temps la croix argentée et qu'on a renommée dans les temps nouveaux, bronze. C'est pourquoi je vous appelle à ne pas chercher le lundi rouge dans le jour d'aujourd'hui, car aujourd'hui on est déjà jeudi et le lundi que vous cherchez est déjà passé.
Et voilà que vous demandez: où commencer nos exploits terrestres si le poisson que nous avons espéré attraper aujourd'hui a déjà été attrapé hier ? Je vous répondrai avec les paroles du prophète Jean, pas le Jean qui fut disciple du Christ, mais un Jean tout à fait autre, le prophète Jean qui vit dans ce lundi même qui est déjà passé. L'exploit de ce Jean est d'avoir décidé de prendre toute sa faute sur lui. Prendre sa faute sur soi. De ce même Jean à qui appartient le propos suivant: « Si tu crois en Dieu, cela ne veut pas encore dire que Dieu croie en toi ».
La Femme de Loth quitte la scène.
SCENE IV. Couplets comiques du prophète Jean (texte de Ivan Viripaev)
Devant vous, le prophète Jean chante en s'accompagnant à l'accordéon.
Chant d'hommes - russe
Voici les paroles du prophète Jean: « Chaque homme a essayé au moins une fois dans sa vie ».
Hop, que je prends un homme par le bras et que je l'emmène dans la chambre.
Aïe, dans une chambre russe, avec un lit de plumes et une couverture cousue de chiffons.
Aïe, la chambre russe aux coussins remplis de plumes, de plumes d'oie.
Aïe, plumé l'oie et bourrée dans le coussin, avec toutes ses plumes.
Aïe, que j'emmène mon homme par le bras, dormir ignorer le pire.
Tantôt il est dessus, tantôt moi. Deux bougres russes s'amusent sur un lit de plumes russe.
Hop, voila le bonheur, se mesurer par la force, qui crèvera qui.
Aïe, la peignée qu'il m'a filée! Aïe, qu'il m'en a mis plein la tomate.
Cent ans passeront avant que n'oublie le service rendu.
Dans une isba russe, sur le lit de plumes russe, aïe, comme on a rigolé,
Aïe, qu'on s'est caressé les côtes!
Aïe, que demain nous serons comme deux ours, aïe, à marcher les jambes arquées.
Aïe, l'isba russe, les bancs et les soupentes, et le kvas glacé,
Aïe, que mon bougre russe m'en a fait voir et que moi je lui ai rendu la monnaie.
Aïe, que je prends mon homme par le bras et que je l'emmène dans l'isba russe.
Chaque homme l'a essayé une fois dans sa vie et l'amour russe est plus doux que le pain d'épice.
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Genèse n°2 Collection Bleue
64 pages - prix : 11.00 euros
Date de parution : Juin 2007
ISBN 978-2-84681-204-7
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