Ce qu'Ivan Viripaev nous en a dit :
« C’est un spectacle qui traite du "vide" et de la parole qui émerge spontanément de ce vide sous la forme d’un "texte inconnu". L’actrice polonaise et l’acteur russe, d’un côté, et le poète kazakh, de l’autre. Ils appartiennent à des mondes différents. Et voilà qu’une actrice polonaise commence à dire des vers en langue kazakhe. Sa langue est obligée de tourner autrement dans sa bouche, comme elle ne l’a jamais fait auparavant et ses lèvres forgent des sons qu’elles n’ont jamais formées. Et dans sa tête, des processus inédits s’engagent. L’idée essentielle du spectacle est d’essayer d’expliquer aux spectateurs, et de s’expliquer à soi-même, ce qu’est l’Autre et ce qu’est un monde autre.
Nous n’avons pas choisi un poète pratiquant une langue connue et médiatisée, par exemple l’anglais, mais un poète qui a écrit dans une langue radicalement étrangère à la culture occidentale. Cette rencontre avec l’Autre, à laquelle il est convié, demande au spectateur un effort pour s’y intéresser et dans le même temps le prive de tout a priori.
Abaï a écrit en kazakh et c’est pour cette simple raison que nous devons l’interpréter dans sa langue d’origine. Parce qu’il s’agit d’un poète, donc d’un musicien, c'est-à-dire, d’une personnalité qui a capté l’énergie de son peuple et l’a fixée dans les sons et les lettres. Abaï, c’est le son avant tout, la fable vient après. Si nous l’avions traduit en russe, Abaï aurait sans doute l’air d’un moralisateur, alors qu’il est acméiste, comme un Mandelstam à ses débuts ou une Akhmatova, seulement il est aussi féroce qu’un Maïakovski ».
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